Le lundi matin, je suis à nouveau plein d'appréhensions. Je n'ai pas pu me rendormir après mon cauchemar et mon reflet me renvoie un visage pâle et fatigué. Mes boucles brunes sont encore plus en bataille que d'habitude et paraissent plus sombres, en harmonie avec les cernes qui encerclent mes yeux. Je vais retrouver Louis et Quentin et, bien que Gabriel m'ait parlé d'un argument imparable pour qu'ils nous fichent la paix, j'ignore de quoi il s'agit et si ce sera réellement efficace. Mais j'appréhende surtout l'attitude de mon ami, maintenant que notre relation a évolué. Je crains que, pour éviter les commentaires et de semer des doutes, Gabriel se tienne à l'écart.
Alors que j'allume mon téléphone pour choisir la musique que j'écouterai sous la douche pour me détendre, un message retient mon attention. Il vient d'un numéro inconnu.
« C'est moi. Désolé de ne pas vous avoir donné de nouvelles, je peux tout t'expliquer. »
Je reste un long moment à fixer l'écran sans réagir. Le numéro n'est peut-être pas enregistré dans mon répertoire, mais je sais pertinemment qui est l'expéditeur de ce message. N'en croyant pas mes yeux, je m'empresse d'écrire à mes amies, qui me répondent aussitôt avoir reçu le même message, au mot près. Cependant, à l'inverse de Sara et Noée, je fais le choix d'ignorer Andrea, même si la curiosité me ronge, me laissant la journée pour réfléchir à comment gérer ce nouvel événement.
En arrivant au lycée, je prends le temps de fumer une cigarette à l'entrée, repoussant au maximum les rencontres que j'appréhende. Noée a énoncé l'hypothèse qu'Andrea serait peut-être de retour en cours, et cette idée ne quitte pas mes pensées, même si je refuse d'y croire. J'évite par précaution de croiser les regards des élèves qui entrent dans l'établissement et, cinq minutes avant le début des cours, je pénètre l'enceinte du bâtiment à mon tour. En entrant dans la salle de classe, j'aperçois Gabriel, assis seul au fond. Ce dernier me sourit et tire la chaise à côté de lui. Soulagé, je m'installe et lui souris en retour en murmurant un « salut ». En guise de réponse, Gabriel colle son genou au mien.
Durant tout le cours, nous échangeons des regards complices et des effleurements chargés d'électricité. Si bien que je finis par abandonner ma prise de note, trop distrait par mon voisin. À la fin de la matinée, je me sens de bien meilleure humeur qu'en sortant du lit, et je réussis même à légèrement mettre de côté l'avalanche de questionnements et d'émotions négatives provoquée par l'intervention matinale d'Andrea. Alors que je m'apprête à sortir du lycée avec Gabriel pour le midi, je reçois un message de Sara.
« Il faut qu'on parle, rejoins-nous dans la cour »
En soupirant, je montre le sms à Gabriel et nous faisons demi-tour. Au loin, je vois que mes amies sont accompagnées d'un jeune homme que je perçois de dos. Il ne m'en faut pas plus pour que je le reconnaisse et, au fur et à mesure que je me rapproche, je sens mon estomac se tordre. Je ne reconnais que trop bien ces cheveux noirs. Lorsque nous arrivons à quelques mètres de lui, je m'arrête net, indiquant à Gabriel de faire de même.
— On s'en va, dis-je en faisant volte face et en embarquant mon ami avec moi.
Ce dernier ne fait aucun commentaire et se contente de me suivre jusqu'à la sortie de l'établissement. Lorsque nous nous arrêtons enfin et que j'allume frénétiquement une cigarette, Gabriel me lance un regard plein de questionnements.
— Tu peux m'expliquer pourquoi on a pris la fuite ? me demande-t-il.
Je lève les yeux au ciel et tire une longue bouffée sur ma cigarette.
— Crois-moi, tu ne veux pas le savoir, je grommelle. Putain, manquait plus que ça.
Puis, en voyant le regard insistant de mon ami, je soupire avant d'ajouter :
— Ce gars qui était avec les filles, c'est Andrea. Je ne veux pas le revoir, je ne veux pas lui reparler et tu ne veux pas le connaître.
Voyant que je n'irai pas plus loin dans les explications, Gabriel soupire à son tour.
— Et je suppose qu'on peut ajouter cet Andrea à la liste des choses que tu ne veux pas m'expliquer ?
Je ne réponds pas et Gabriel s'adosse contre le mur, ne sachant pas comment agir. Au bout de quelques minutes, après avoir jeté ma cigarette, je lance un regard hésitant à Gabriel.
— Je sais que tu m'en veux, lui dis-je. J'aimerais pouvoir t'expliquer tellement de choses, mais j'ai besoin de temps. J'en suis désolé.
Gabriel hausse les épaules.
— Je sais, je pense que je comprends certaines choses et j'espère qu'un jour tu me feras suffisamment confiance pour me confier tout ce qui te tourmente.
Je lui souris faiblement avant de lui faire signe de la tête pour qu'il me suive. Je l'emmène dans un square non loin du lycée. Il s'est mis à pleuvoir légèrement et seuls quelques passants s'y trouvent. Je tends alors ma main pour effleurer celle de Gabriel. Ce dernier hésite un temps, puis enroule ses doigts autour des miens.
— Tu penses que si je t'embrasse, les gens vont nous embêter ? demande Gabriel en se rapprochant.
— Je pense sincèrement que les gens ont bien mieux à faire.
Gabriel fait un pas de plus et se penche vers moi pour unir nos lèvres, quelques secondes. Lorsqu'il s'écarte, je vois mon ami sourire.
— C'est tout ? dis-je en faisant la moue.
Gabriel rit et enroule ses bras autour de mes hanches.
— Ne sois pas trop gourmand ! C'est tout pour maintenant, mais peut-être que si tu viens chez moi cet après-midi tu auras droit à un peu plus...
Je ris à mon tour, curieux de voir ce que Gabriel me réserve. Mais, alors que mon ami me serre contre lui, je sens mes sens se mettre en alerte à la simple pensée d'être plus intime. J'essaye de chasser ce sentiment désagréable et étreins Gabriel à mon tour. Je le regarde ensuite manger le sandwich qu'il a préparé. Voyant que je ne mange pas, il sort une pomme de son sac.
— Tiens, je n'ai pas assez faim pour la manger, me dit-il en me tendant le fruit.
Je souris, touché par son geste. Je regarde la pomme quelques minutes, sentant ma gorge se serrer. Je me force à manger quelques bouchées et, lorsque je sens mon estomac se nouer, je rends le fruit à Gabriel.
— On fait moitié-moitié, j'ai mal au ventre aujourd'hui.
Gabriel reprend ce qu'il reste de la pomme, sachant qu'il ne servirait à rien d'insister pour que je la termine. Il me lance tout de même un regard inquiet que je commence à bien connaître et que j'accueille avec un sourire se voulant rassurant. Alors que nous nous relevons pour retourner en cours, je me mets à marcher bien plus lentement qu'à mon habitude. Je sais qu'Andrea se trouve dans le bâtiment, quelque part, et ne veux pas le confronter. À deux mètres de l'entrée, je me fige. Gabriel se retourne, me demandant ce qui m'empêche d'entrer.
— Je... je ne me sens pas très bien. Vas-y toi, je te rejoins dans dix minutes, promis.
Gabriel secoue la tête et s'approche de moi.
— Ok, ça suffit, me dit-il. Dis-moi ce qui t'effraie autant chez cet Andrea, qu'on en finisse. C'est ton ex c'est ça ?
Je suis pris au dépourvu. Je ne suis pas prêt à m’ouvrir sur ce sujet, mais je sens que je dois au moins ça à Gabriel.
— Ce n'est pas vraiment mon ex. Disons que... Disons que c'est à cause de lui que j'ai subi tout ce harcèlement. Pour faire bref, il m'a embrassé devant tout le monde et il a disparu juste après. Jusqu'à aujourd'hui.
Gabriel murmure un « oh » faible, ne sachant comment réagir.
— Mais c'est fini, je ne ressens plus rien pour lui, j'ai tourné la page, je tente de le rassurer.
Gabriel fixe ses pieds, se balançant légèrement d'avant en arrière.
— Visiblement, il a toujours un certain impact sur toi, dit-il d'une voix peu assurée.
Je me rapproche de lui et pose ma main sur son bras.
— Je t'assure que si je l'évite, c'est pour notre propre bien. Il m'a utilisé et je ne veux plus entendre parler de lui.
Gabriel se contente de hocher la tête. Lorsque nous sommes certains que tout le monde est remonté en classe, nous entrons tous les deux dans le bâtiment. Gabriel reste silencieux le reste de la journée et, à la fin des cours, il prétexte avoir reçu un message de ses parents et annule son plan de me recevoir chez lui. Je ne suis pas dupe et sait pertinemment que je vais devoir être plus franc sur mon histoire avec Andrea.
En m'asseyant dans le bus, je vois ce dernier monter et s'installer deux rangs devant moi. Ne souhaitant pas qu'il m'approche, je garde la tête baissée jusqu'à mon arrêt et sors le plus vite possible. Alors que je marche en direction de chez moi, une main se pose sur mon épaule. Je serre les poings, refusant de me retourner. Lorsque Andrea se plante devant moi, barrant ma route, je fixe un point au loin.
— Laisse-moi tout t'expliquer, me supplie-t-il.
Je reste de marbre. Une infime partie de moi est curieuse de savoir ce qu'Andrea a à me dire, mais je souhaite par-dessus tout en finir au plus vite. Après quelques minutes de silence, je plante mes yeux dans ceux de celui qui me fait face. J'avais oublié à quel point son regard était beau. Mais je n'y suis plus sensible. L'an passé, chaque fois que je croisais les yeux couleur océan d'Andrea, je sentais ma poitrine se réchauffer. Mais à présent, je ne pensais qu'à retrouver Gabriel pour tout lui expliquer et m'assurer qu'il n'est pas vexé.
— Tu as dix minutes pour m'expliquer pourquoi t'as décidé de me pourrir la vie. Après ça, tu t'en vas et tu ne me parles plus. C'est clair ?
Andrea baisse les yeux.
— Ça me va, dit-il.
Nous nous dirigeons vers la maison de Lucía et, en entrant, je m'installe directement à la table de la salle à manger.
— Oh, on ne va pas dans ta chambre ? demande Andrea.
Je secoue la tête et fais signe à Andrea de s'asseoir. Après quelques minutes de silence, celui-ci commence enfin son explication.
— Quelques semaines avant que je t'embrasse, on a appris que mon père serait muté en Italie et qu'on irait donc vivre là-bas, chez ma grand-mère. Je ne savais pas quoi faire, on était devenu si proches, je me suis dit que peut-être il existait quelque chose de plus entre nous. Alors je t'ai embrassé en me disant qu'on en aurait envie sur le moment, puis que ça passerait. Je ne m'attendais pas à ce que tu ressentes toutes ces choses pour moi, j'ai...j'ai reçu tes messages et tes appels. Je suis désolé que les autres aient aussi mal réagi, les filles m'ont raconté ce que tu as subi.
J'éclate d'un rire froid.
— T'es désolé pour les agissements des autres ? dis-je, sans retenir la colère dans le ton de ma voix. Tu réalises tout ce que toi, tu m'as fait subir ? Tu sais quoi, je m'en fous de ton explication bidon. Tu savais pertinemment ce que je ressentais pour toi et tu n'as pensé qu'à ta gueule. Rien ne t'empêchait de donner des nouvelles, tu as ignoré tout le monde alors que tu faisais ta petite vie en Italie. Tu as brisé des gens, tu m'as brisé moi, et tu n'as même pas daigné t'excuser. Et quoi encore, ça ne t'a pas suffit tout le mal que tu as fait ? T'as décidé de venir finir le travail ?
— Je suis revenu pour toi Matéo, répond Andrea. Les choses ne se sont pas si bien passées pour moi, en Italie. Tu me manquais terriblement. Je ne te répondais pas parce que la seule solution pour moi était de t'oublier. Mais je n'ai pas réussi, alors quand ma mère a proposé qu'on revienne tous les deux en France, voyant à quel point j'étais malheureux, j'ai accepté. Quand je t'ai embrassé, je voulais voir si je ressentais quelque chose pour toi. Je pensais honnêtement que c'était un simple questionnement, je ne m'attendais pas à ce que la réponse soit positive. J'aimerais qu'on se donne une chance, tous les deux.
Je retire vivement ma main de la table en voyant Andrea tendre la sienne. Quelque chose sonne faux dans le discours de mon ancien ami, je n'arrive pas à croire un mot de ce qu'il me dit.
— Ecoute-moi bien, lui dis-je. Je ne veux plus que tu me parles, je ne veux plus que tu me regardes. À cause de toi, j'ai reçu des coups, des insultes, des menaces. J'ai cru qu'il t'était arrivé quelque chose de grave, que j'étais destiné à rester amoureux d'un mec qui n'en avait plus rien à foutre de moi. Tu m'as marqué dans le pire sens possible, et je ne te laisserai pas me faire du mal une deuxième fois. Si les filles te pardonnent, je m'en fiche, mais saches que moi, je ne te pardonnerai pas. Je ne crois pas un mot de ce que tu me racontes, tu peux garder tes histoires bidons pour toi. Je te connais, j'ai été amoureux de toi bordel, je sais quel regard tu as quand tu mens !
Sur ces mots, je me dirige vers la porte de la maison et l'ouvre pour inviter Andrea à sortir. Je tombe alors nez à nez avec Gabriel.
— Je t'ai appelé plusieurs fois, je peux entrer ? demande ce dernier.
Je hoche la tête et m'écarte pour laisser passer Gabriel. En l'apercevant, Andrea se mit à ricaner.
— En effet, t'as l'air d'être passé à autre chose, dit-il en se levant.
Gabriel nous regarde tour à tour, ne sachant pas comment agir.
— Les dix minutes sont écoulées, va-t-en maintenant, j'ordonne à Andrea.
En sortant de la maison, Andrea s'arrête derrière le pas de la porte. Il se penche vers moi et murmure de manière à ce que moi seul puisse l'entendre.
— Je sais que je ne t'ai pas complètement perdu. Dans une semaine, tu me supplieras de revenir vers toi.
Sur ces mots, il me lance un sourire malicieux et s'éloigne. Je claque la porte derrière lui et me prends la tête dans les mains, retenant un cri de rage.
— Mais quel con ! je m'écrie.
Je m'écroule dans le canapé et bascule la tête en arrière pour fixer le plafond. Je sens à peine Gabriel s'installer à côté de moi.
— Je suppose que vous n'êtes toujours pas en bons termes ? dit Gabriel, hésitant.
Je secoue la tête en riant froidement.
— C'est un menteur et un manipulateur. Mais je ne veux plus parler de lui, parlons d'autre chose. Par exemple, tu m'as promis plus qu'un baiser ce midi... , dis-je en souriant.
Gabriel rit et se déplace de manière à se retrouver à califourchon sur moi. Une fois stabilisé, il entoure mon visage de ses mains, et m'embrasse longuement. En posant mes mains sur les hanches de Gabriel, je sens mon corps réagir conjointement à celui de mon ami. J'approfondis le baiser, savourant le contact des doigts de Gabriel dans mes cheveux. Alors que j'apprécie de plus en plus le chemin que prennent notre étreinte et nos caresses, je me fige lorsque Gabriel presse ses hanches contre les miennes. Je me sens soudainement en manque d'air, comprimé et capturé dans l'étreinte. En fermant les yeux pour essayer de me calmer, je me revois dans la salle de bain de mes cauchemars, sentant quelque chose faire pression contre mon corps. J'ai soudain l'image de doigts épais s'enfonçant dans le fond de ma gorge. Je suis pris d'un haut le cœur et, après avoir repoussé Gabriel, je me rue vers l'évier, pensant que je vais vomir. Mon ami se précipite vers moi.
— Qu'est-ce qu'il t'arrive ? s'écrie-t-il alors que je m'asperge le visage.
Je ne réponds pas, trop occupé à essayer de me débarrasser de cette sensation d'étouffement. Lorsque je ferme le robinet, Gabriel me prend la main, m'accompagnant pour me rasseoir sur le canapé. Il s'accroupit devant moi, me regardant d'un air sérieux.
— Je pense que tu n'as plus trop le choix que de me dire ce qu'il se passe.
Je prends une grande inspiration pour essayer d'expliquer ce qu'il m'arrive, mais les mots meurent sur mes lèvres.
— J'ai...j'ai peur, Gab, je parviens à murmurer.
Désormais, des larmes coulent le long de mes joues et mes mains tremblent. Je m'efforce de me concentrer sur ce que je m'apprête à dévoiler à Gabriel.
— Depuis qu'on s'est rapprochés toi et moi, j'ai ces drôles de visions. Enfin drôles...j'ai l'impression de vivre un cauchemar éveillé. Je crois...je pense que, peut-être, il m'est arrivé quelque chose de mal. De vraiment très mal. Mais je ne sais pas exactement de quoi il s'agit, ni qui me l'a infligé. Tout ce que je sais, c'est que mon enfer se trouve dans une salle de bain, et que j'ai envie de vomir chaque fois que j'y pense. Et quand...quand on s'embrasse et que ça commence à aller plus loin, j'ai l'impression que mon esprit me renvoie dans cette pièce et me dit que je vais y mourir...
Je marque une pause. En essayant d'expliquer mes problèmes à Gabriel, je me rends compte à quel point ils sont liés à notre relation et comment celle-ci est un déclencheur systématique du cauchemar que je vis. Je ne sais pas comment faire pour que mon ami ne souffre pas de mes problèmes, autrement qu'en freinant ce qu’il se passe entre nous. Et, bien que cela me déchire le cœur, je sais que la meilleure solution est d'attendre que je règle la question de mes cauchemars avant de me lancer dans la construction de quelque chose d'intime. Voyant que je ne parle plus, Gabriel me saisit la main pour m'encourager à continuer. Je fixe désormais un point, loin derrière mon ami.
— Je crois qu'il vaut mieux... je reprends, plus bas. Je crois qu'il vaut mieux qu'on en reste là, toi et moi, pour le moment. J'ai visiblement beaucoup de choses à régler, et je ne veux pas t'embarquer dedans.
Gabriel fronce les sourcils en me lâchant la main.
— Je pense que je suis assez grand pour savoir que je veux t'aider à traverser tout ça et que je suis prêt à en assumer les conséquences, me dit-il.
Je me lève pour m'écarter de lui.
— Tu vois bien que je ne suis pas capable d'entretenir une relation autre qu'amicale, je ne peux pas t'embrasser sans que ça n'entraîne une série de cauchemars, tous plus horribles les uns que les autres. Et je ne veux pas que ça affecte notre relation, je ne veux pas que ça m'amène à avoir peur de toi et à te rejeter...
Gabriel se lève à son tour. Il se saisit de sa veste et de son sac et se dirige vers la porte d'entrée.
— Je pense que c'est trop tard. Tu vois ? Tu me rejettes déjà, dit-il avant de refermer la porte derrière lui.
Je reste figé dans le salon, me retenant de lui courir après. « C'est pour le mieux » je me répète en boucle, sans y croire. J'ai l'impression de ne pas avoir connu ce mieux depuis longtemps. Alors que je commençais à me projeter dans des choses positives, la vie m'a rattrapé avec des démons que je découvre chaque jour un peu plus et qui me terrifient. Je sens chaque cauchemar me ronger, petit à petit, alors que je reste témoin et victime passive de ce qui semble être mon autodestruction.
Lorsque Lucía rentre, je m'assieds pour l'écouter raconter sa journée sans réussir à me concentrer une seule seconde. Je passe le reste de la soirée dans une transe, m'observant agir tel un automate, sans ressentir quoi que ce soit. Lorsque je vais me coucher, je n'essaye même pas d'améliorer ma nuit en écoutant de la musique. Je sais ce qui m'attend, et n'ai plus la force de lutter. Alors, en fermant les yeux, je laisse la salle de bain m'engloutir, une fois de plus.6Please respect copyright.PENANA4JZ6pfvwco