L’été touchait à sa fin, et avec lui venait l’heure pour Lise de quitter Portiragnes pour s’envoler vers Paris, la grande capitale. Elle avait décroché son bac avec mention, sous les acclamations enthousiastes de tout le village (et même du maire, qui avait tenu à prononcer un discours truffé de compliments pompeux). Mais ce bac en poche signifiait aussi le début d’une nouvelle aventure… et la fin de tout ce qu’elle connaissait, aimait, et chérissait dans cette petite ville. Troquer les ruelles tranquilles de Portiragnes pour l’agitation parisienne la rendait autant curieuse qu’angoissée.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡRyTe4HGOLG
Pour Mamie Cathie, il n’était pas question de laisser sa petite-fille partir sans un dernier éclat. En douce, elle organisa une fête surprise dans le jardin familial, réunissant tout le village, des amis d’enfance de Lise jusqu’aux voisins qu’elle n’avait peut-être croisés qu’une ou deux fois. La veille du départ, alors que Lise revenait d’une de ses dernières balades au centre-ville, elle poussa la porte du jardin et resta figée.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡROP1K6U3B5
— SURPRISE ! hurla une foule joyeuse, brandissant des ballons multicolores.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡE7pE3JaQzg
Lise ouvrit de grands yeux, bouche bée. Elle tourna la tête vers Cathie, qui l’attendait, les bras croisés, un sourire triomphal sur les lèvres.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡi2jmucVkmp
— Mamie… c’est quoi, ça ? balbutia-t-elle, entre le rire et les larmes.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡa5L0eiaprZ
— Ça, ma chérie, c’est le village entier qui est là pour te dire au revoir, répondit Cathie en s’approchant, visiblement fière d’elle. Parce qu’à Paris, il n’y aura pas de fête surprise dans ton appartement de douze mètres carrés. Alors profite !
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡsLw8suuA54
Le jardin était métamorphosé : des guirlandes de fleurs ornaient les arbres, des lanternes colorées illuminaient la nuit naissante, et un immense buffet débordait de spécialités locales. Cathie, bien entendu, avait fait appel à tout le voisinage pour l’organiser — elle n’était pas du genre à se fatiguer en cuisine. Au centre de la table, trônait un gâteau impressionnant, à plusieurs étages, recouvert d’un glaçage rose et d’un gigantesque « Bon voyage, Lise ! » écrit en lettres dorées.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡhUVZp549wd
— Tu as commandé ça où ? demanda Lise, abasourdie.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡWI8fqhAAeo
— Ah, tu veux dire ce chef-d’œuvre pâtissier ? Chez Ginette, bien sûr. Elle m’a fait une réduction parce que je lui ai raconté que tu avais failli te brûler les cheveux en soufflant les bougies à tes sept ans.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡpqKYShJ4oJ
— Mamie ! protesta Lise, rouge.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡISRqXOYN7k
— Quoi ? Elle adore cette histoire. Maintenant, va dire bonjour aux gens avant qu’ils mangent tout !
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡkiOQGJmMPM
La fête battait son plein. Tout Portiragnes semblait avoir une anecdote à partager sur Lise, qui, visiblement, était devenue une véritable petite célébrité locale.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡQbIgXzMO4f
Monsieur Léon, le boulanger, fut le premier à se lancer. Monté sur une chaise, il frappa dans ses mains pour attirer l’attention :
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡXs1uRVjEdB
— Bon, comme je suis le plus ancien ici, j’ai une petite histoire à raconter sur Mademoiselle Lise. Vous saviez qu’à cinq ans, elle venait tous les matins devant ma boutique pour “voler” des bonbons ?
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡBLFsj8I4j8
Lise, mortifiée, leva les mains en signe de protestation.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡhZDCHcQsMP
— Ce n’est pas vrai ! Je te disais merci à chaque fois !
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ0DwZk3Kqg5
Monsieur Léon éclata de rire.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡWQVC97IMxp
— Oh, ça, c’est vrai. Elle courait toujours en criant “Merci !” comme une petite voleuse en fuite. Et je vous jure, elle avait le regard d’une vraie bandite. Sauf qu’elle oubliait que sa robe n’avait pas de poches, alors elle essayait de cacher les bonbons… dans ses chaussettes !
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡQsOcz6Kxy3
La foule éclata de rire. Lise, rouge comme une tomate, tenta de se cacher derrière Chloé, qui riait si fort qu’elle manqua de renverser son verre.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡQuqYVyOXRr
— Merci, Léon. C’est exactement ce que j’avais besoin d’entendre avant de partir, grogna Lise, faussement boudeuse.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡdUfSLJd4Oc
— Mais c’est un compliment, protesta le boulanger. Tu avais déjà du talent à l’époque !
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡbXtL8v57DL
D’autres villageois prirent le relais. La coiffeuse raconta la fois où Lise avait voulu se couper la frange elle-même et s’était retrouvée avec « un chef-d’œuvre asymétrique » qu’il avait fallu des semaines pour rattraper. Le poissonnier, quant à lui, évoqua une journée mémorable où Lise avait essayé de libérer des poissons de son étal, convaincue qu’ils étaient « trop mignons pour finir dans une poêle. »
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡuSZRhUbhpi
— Et elle m’a dit, très sérieusement, “Monsieur René, ils ont des familles, vous savez.” Je vous laisse imaginer ma tête.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡiFdnAP7NCL
La foule riait à chaque anecdote, et Lise alternait entre gêne et amusement.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡh3rx622JBP
Puis ce fut au tour de Cathie, évidemment.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡJeq4Wh3Xrv
— Alors, ma petite Lise, tu croyais que j’allais rester silencieuse ? dit-elle avec un sourire espiègle.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡOfPAEAZohT
— Mamie, pitié…
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡyGfySnXXIg
— Pas question. Bon, tout le monde se souvient du jour où Lise a décidé qu’elle voulait être détective privée ? demanda Cathie, les mains sur les hanches.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡq8ALCBiqy2
— Non, et personne n’a besoin de s’en souvenir, coupa Lise, désespérée.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡX4g9dK70TU
— Trop tard. Elle a passé une journée entière à suivre le pauvre facteur, persuadée qu’il cachait un secret.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡgryhBDfEo7
Le facteur, présent dans la foule, leva une main.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡTzDvUlTRDg
— Je confirme ! J’ai dû lui donner une lettre vide pour qu’elle arrête de me filer comme un espion.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡKRndEJACrC
— Et elle a gardé cette lettre pendant un an, persuadée qu’elle contenait un message codé, conclut Cathie en riant.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡy8naDJvvcf
Lise cacha son visage dans ses mains pendant que tout le monde riait.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡJgD7AlB2Yw
— Tu sais quoi, mamie ? Tu as de la chance que je t’aime, lança-t-elle en souriant malgré elle.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ0aMEd3llFc
— Et toi, tu as de la chance que je sois ta grand-mère. Sinon, qui organiserait une fête pareille ? répliqua Cathie, en lui tendant une coupe de jus de fruits.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡXkyrJQsMcK
Les rires fusèrent, et Lise, tout en riant, sentait le pincement au cœur grandir. Ce village l’avait vue grandir, de ses premiers pas à ses premières amitiés, ses premières bêtises, et même ses premières peines d’amour. Ici, chaque rue, chaque banc, chaque pierre portait un bout de son histoire.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡzemq5uGv9h
Chloé, évidemment, était là, fidèle à elle-même, le sourire un peu triste mais déterminée à faire de cette soirée un moment inoubliable. Elles avaient passé des années à faire les quatre cents coups ensemble, des escapades à la plage aux défis farfelus en plein centre-ville. Ce soir-là, Chloé faisait semblant de ne pas être émue, mais Lise la connaissait trop bien.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡNQy9sD83l6
— Alors, Parisienne, tu penses qu’ils ont des plages là-bas ? lança Chloé, l’air faussement désinvolte.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡtMV7zxXMOe
— Pas exactement… Mais j’ai entendu dire qu’ils ont des musées et… beaucoup de pigeons ? répondit Lise en riant.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡeaNqba6oxu
— Génial, tu pourras aller espionner les pigeons sur les toits, comme quand on suivait le facteur ! Je veux un rapport détaillé, avec croquis, exigea Chloé en croisant les bras.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡcKZdiSrhZ2
— Promis, répondit Lise en souriant. Mais toi, tu devras m’écrire chaque semaine. Et si tu oublies, je viendrai te hanter dans tes rêves.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡCxgVBVmz7X
Chloé soupira avec exagération.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ5cEGqh4LAp
— Très bien, très bien… mais toi, tu as intérêt à ne pas devenir trop sérieuse, sinon je débarque à Paris pour te kidnapper.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡtnZVV0QW12
Elles éclatèrent de rire, mais derrière ces mots se cachaient la peur et la tristesse de cette séparation. Les « copines pour la vie » allaient se dire au revoir, et même si elles se promettaient de rester en contact, elles savaient que quelque chose allait inévitablement changer.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡlzVD8wSS7t
À la fin de la soirée, après mille accolades et autant de fous rires, Cathie s’approcha de Lise avec un regard empreint de tendresse. Elle posa une main sur son épaule et la regarda droit dans les yeux.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ01FnCPevNw
— Lise, ma chérie, dit-elle d’une voix douce, tu vas faire des merveilles à Paris. Tu as tout ce qu’il faut pour réussir, et si jamais les Parisiens te dépriment, je t’enverrai un colis de bonbons “volés” chez Léon. D’accord ?
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡMDC9jBWGSL
Lise rit, malgré les larmes qui menaçaient de déborder.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡTmCQEcSUHD
— D’accord, mamie. Mais ajoute des huîtres de René dans le colis, pour que je me sente vraiment chez moi.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡBG4dEBYbAH
— Oh non, pas question. Je t’aime beaucoup, mais je refuse de me battre avec un poissonnier pour des huîtres en plein été.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ600HZBvt30
Elles se serrèrent dans les bras, un peu plus longtemps qu’à l’habitude, comme si ce geste pouvait repousser le moment de la séparation.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡzs9AKRASDW
Le lendemain matin, Cathie et Chloé l’accompagnèrent à la gare. Le trajet en voiture était ponctué de petits rires nerveux et de longs silences. Lise, assise à l’arrière, serrait son billet de train comme un ticket pour une autre planète. Chloé, sur le siège passager, jetait des regards furtifs dans le rétroviseur.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡfk7Jqq6FhX
— Tu as peur ? demanda finalement Chloé.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ5x4O6Mph95
Lise hésita, avant de hocher la tête.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡBaGUEe8iZF
— Un peu. Et toi, ça va ?
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ7cVF6luRiT
— Moi ? Non, je suis super cool. J’adore dire au revoir aux gens que j’aime. C’est ma passion, répondit Chloé avec une moue dramatique.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡuo1aJkdi8S
Lise rit et posa une main sur son épaule.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡCINsnKGdDZ
— Je vais te manquer, hein ?
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡHnG7dT5DjA
— Non, pas du tout. Je compte t’oublier d’ici la fin de la semaine. Mais bon, si tu insistes, je peux garder une photo de toi dans un coin, répondit Chloé en lui lançant un regard taquin.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡOaWG5tEB5t
— Idiote.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡXh0Bj6hPPy
Sur le quai, l’heure des adieux approchait. Cathie, fidèle à elle-même, voulait alléger l’atmosphère.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡMM2dBpAHFZ
— Alors, écoute-moi bien, Lise. Si je vois que tu commences à te transformer en Parisienne snob, je viendrai moi-même te chercher avec une baguette de pain à la main pour te ramener ici. Tu as compris ?
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡdDnnGcuhWP
Lise sourit à travers ses larmes.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡNjBx3e5E3C
— Compris, mamie. Pas de snobisme, promis.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡ5evzr4k5Uw
Puis ce fut Chloé qui la prit dans ses bras, la gorge serrée.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡrmKf1mfmbu
— Promets-moi de ne jamais oublier d’où tu viens, murmura-t-elle. Et surtout, ne deviens pas quelqu’un qui dit “croissant au beurre” comme si c’était une œuvre d’art.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡdTQ36zYOzQ
Lise rit, bien qu’elle sente les larmes monter à nouveau.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡQT56DEX7eD
— Et toi, promets-moi de ne pas te transformer en ermite qui ne sort jamais de Portiragnes, répondit-elle en la serrant un peu plus fort.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡEak4KQcaiq
— Promis, fit Chloé. Mais j’attends toujours ton rapport sur les pigeons, je te préviens.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡSzNahPXmVd
Quand le train démarra, Lise leur fit signe, le cœur battant et la tête pleine de souvenirs. Elle regarda leurs silhouettes devenir de plus en plus petites sur le quai, jusqu’à disparaître complètement.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡaOpDZ2ctaX
Elle sentit une étrange mélancolie mêlée à l’excitation. Paris l’attendait, mais elle savait que peu importe où elle irait, elle emporterait avec elle tout l’amour, la folie douce et les souvenirs lumineux de Portiragnes.
157Please respect copyright.ＰＥＮＡＮＡmoKerzH4Sb
Le voyage vers la capitale marquait le début d’une nouvelle aventure, mais aussi la fin d’un chapitre qu’elle chérirait pour toujours.
